Pacôme Genty – Hestia

Date de sortie : 30/08/2024 – premier single « Griselda » le 31/05/2024

1 – Griselda (04:53)
2 – Without (04:42)
3 – Talk/Walk (05:20)
4 – Minha Querida (02:46)
5 – Outside (04:43)
6 – Lonely As A Cloud (04:08)
7 – Saint Elmo (04:11)
8 – Modesty (04:03)

+ The River (Bonus track, uniquement disponible sur notre Bandcamp) (04:29)

 

Crédits :
Produit par Pacôme Genty et Nicolas Laureau. Mixé par Nicolas Laureau. Masterisé par Fabrice Laureau. Avec : Alexandre Viudès : batterie sur #3 & #5. Adrien Soleiman : voix et piano sur #4. Renaud Rozner : guitare électrique sur #6. Nicolas Laureau : guitare électrique sur  #1, #2, #3 & #5. Arnaud Sèche : flûte sur  #4, #5 & #7. Marc-Antoine Perrio : guitare électrique #8. Arman Méliès : aide à la composition sur  #6 & mise en page. Pacôme Genty : voix, claviers, guitares, clarinette, boîte à rythme. Peinture par Damien Caccia. Photo par Terence Hassen.

Biographie :

Luciole infatigable de la scène indé et touche-à-tout surdoué, Pacôme a déjà une belle carrière derrière lui. Il y a près de vingt ans, il s’est illustré dans le duo Rrose Tacet, condensé d’arabesques psyché-folk et de dream pop aux guitares limpides, influencé par le bricolo-folk d’Akron Family et les expériences plus électroniques d’Animal Collective. Pacôme y affirmait déjà son goût pour les chansons aux circonvolutions psychédéliques et aux structures alambiquées. C’est au sein d’Erevan Tusk, l’un des groupes pop les plus salués des années 2010, que Pacôme dévoile pleinement sa panoplie de songwriter à deux vitesses, où son penchant pour le bricolage expérimental DIY se love dans des pop songs emplies de fougue rock, dans le sillage de Band of Horses et d’Arcade Fire. L’aventure du groupe s’achèvera en 2019, laissant derrière lui deux splendides albums et un EP.

Après le split du groupe, Pacôme tâtonne en solo et remonte sur scène avec le chanteur Arman Méliès, précepteur musical qui deviendra conseil et oreille extérieure lors de l’enregistrement de Hestia. « C’était mon prof de guitare quand j’étais au lycée. On est devenu proche par la suite. Il m’a aidé sur le disque pour la composition, notamment en simplifiant des suites d’accords.». Il partage également une tournée avec Don Niño, grand frère de cœur rencontré un soir de 2008 où Rrose Tacet assure la première partie de NLF3 à Berlin. L’un et l’autre partagent cet attrait pour la faille secrète, une mélancolie teintée d’indolence.

C’est depuis sa tanière du Gâtinais, où il s’est installé en 2021 au cours des périodes de confinement, que Pacôme a mitonné en solitaire cet album aux inflexions tour à tour extatiques, douces et solaires. « J’ai demandé à un ami artiste plasticien d’utiliser une de ses peintures abstraites pour la pochette. Elle ressemble à une onde sonore à la verticale. A partir de ça, je me suis plongé dans la Mythologie Grecque et je suis tombé sur Hestia, la déesse du feu sacré et du foyer. Il se trouve que ça recoupait des thématiques et des états d’âme qui ont traversé ma vie à cette période : l’indépendance, la maison, la joie, la pudeur… C’est une retranscription « fictionnée » de quelques années de ma vie à travers cette divinité féminine. Elle est devenue la narratrice et le fil conducteur du disque. »

Prolongement d’un Debut Album qui avait déjà fait forte impression en 2021, Hestia reflète sa prédisposition pour une pop buissonnière qui préfère s’engager avec humilité sur des sentiers de traverse plutôt que d’emprunter le plus court chemin pour aller d’un point à l’autre. A l’instar de son duo de musique improvsée Des Édens, inspiré par Gustave Flaubert et Mark Hollis, ou de son projet expérimental Mascara Snake, (du nom du clarinettiste de Captain Beefheart), Pacôme Genty fraie ici avec les atmosphères de la Bedroom Pop et de l’ambient Lo-Fi la plus créative des années 1980 où l’acoustique tendait la main sans complexe aux synthétiseurs. « Plus tu dépouilles, plus ça a de chance de bien vieillir.  J’ai beaucoup enregistré de chez moi, et le mixage a été réalisé par Nicolas Laureau (Don Niño).

Cet idiome introspectif dont il a fait son axe de composition se retrouve aussi dans sa pratique picturale. « Je m’intéresse beaucoup aux liens entre musique et arts plastiques. Je pratique la peinture depuis quatre ans et ça m’inspire beaucoup pour écrire des chansons. »

Des quinze titres composés entre 2021 et 2023, Pacôme n’en a conservé au final que huit. Huit balades à la légèreté enivrante, tapissées parfois d’un léger voile d’électronique, de touches cosmic jazz à la flûte traversière, d’une mélopée de clarinette qui caresse nonchalamment l’oreille ou d’un saxophone nimbé de reverb. On y discerne par touches discrètes les réminiscences des expérimentations instrumentales des compilations Made to Measure (Harold Budd, Penguin Cafe Orchestra…). « Il y a beaucoup de synthétiseurs, de guitare électrique mais également flûtes, clarinette et guitare acoustique douze cordes. J’ai toujours bien aimé ce type de contrastes, on les retrouve chez la plupart des artistes qui m’ont inspiré. » Dans la maison de Pacôme Genty résonnent aussi les arpèges solaires de Caetano Veloso (Without, Minha Querida), Arthur Russell (Outside) ou Cass McCombs (Griselda), des inspirations assumées qui s’invitent à la table sans jamais devenir encombrants.

Son vibrato si particulier enrobe de douceur le vague à l’âme niché derrière les mots. La force de ces chansons tout en retenue provient de leur grande sophistication. L’émotion est à l’os, mais jamais démonstrative, comme tenue à distance pour mieux la faire éprouver. Pacôme Genty parvient à accomplir ce qu’il y a sans doute de plus complexe pour un musicien : donner à des sentiments abstraits la texture et la consistance du réel. Fugues folk et humeur cyclothymique, feu de bois et feux de l’amour, temps et contretemps : une forme d’embellie se fraie toujours un chemin dans ses chansons. Pas question non plus de céder au fatalisme ambiant ou de ployer sous le fardeau d’un monde belliqueux, l’empathie et la légèreté sont des impératifs pour ne pas se laisser abattre.

Ode à une ascèse joyeuse qui passe par l’autosuffisance, l’odyssée de Hestia s’achève sur un dernier titre instrumental en apesanteur (Modesty), comme la rencontre inespérée entre Fennesz et Duruttti Column dans une ultime percée lumineuse qui accueille le crépuscule. Atteindre le Palais de la Sagesse sans trop la ramener, faire le trajet qui emmène ailleurs tout en restant sur place, se séparer de soi-même pour mieux apprécier le monde dans son immédiate présence. La solitude semble ici cultivée plutôt que subie, et l’album laisse filtrer une sensibilité à fleur de peau qui ne verse jamais dans le pathos. Entre promenade dans les bois, veillée au coin du feu et chaleur de l’été qui s’étiole, ce pavillon des rêves invite à se lover dans un cocon tellement réconfortant qu’on n’a plus envie de le quitter. Un disque entier, apaisé, qui laisse pressentir que Pacôme, après avoir « cherché pendant des années un endroit qui [lui] corresponde », l’a peut-être enfin trouvé.

Hestia lui aurait-elle accordée sa bénédiction ?

Julien Bécourt, avril 2024